Friday, June 19, 2009

"Morning"

Hadn't I once a youth that was lovely, heroic, fabulous, something to write down on pages of gold? - I was too lucky! Through what crime, by what fault did I deserve my present weakness? You who imagine that animals sob with sorrow, that the sick despair, that the dead have bad dreams, try now to relate my fall and my sleep. I can explain myself no better than the beggar wth his endless Aves and Pater Nosters. I no longer know how to talk!

And yet, today, I think I have finished this account of my Hell. And it was Hell; the old one, whose gates were opened by the Son of Man.

From the same desert, toward the same dark sky, my tired eyes forever open on the silver star, forever; but the three wise men never stir, the Kings of life, the heart, the soul, the mind. When will we go, over mountains and shores, to hail the birth of new labor, new wisdom, the flight of tyrants and demons, the end of superstition, - to be the first to adore! - Christmas on earth!

The song of the heavens, the marching of nations! We are slaves, let us not curse life!

Matin
N'eus-je pas une fois une jeunesse aimable, héroïque, fabuleuse, à écrire sur des feuilles d'or, - trop de chance ! Par quel crime, par quelle erreur, ai-je mérité ma faiblesse actuelle ? Vous qui prétendez que des bêtes poussent des sanglots de chagrin, que des malades désespèrent, que des morts rêvent mal, tâchez de raconter ma chute et mon sommeil. Moi, je ne puis pas plus m'expliquer que le mendiant avec ses continuels Pater et Ave Maria. Je ne sais plus parler !

Pourtant, aujourd'hui, je crois avoir fini la relation de mon enfer. C'était bien l'enfer ; l'ancien, celui dont le fils de l'homme ouvrit les portes.

Du même désert, à la même nuit, toujours mes yeux las se réveillent à l'étoile d'argent, toujours, sans que s'émeuvent les Rois de la vie, les trois mages, le coeur l'âme, l'esprit. Quand irons-nous, par delà les grèves et les monts, saluer la naissance du travail nouveau, la sagesse nouvelle, la fuite des tyrans et des démons, la fin de la superstition, adorer - les premiers ! - Noël sur la terre !

Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves, ne maudissons pas la vie.

-Arthur Rimbaud

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